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Prison Break, une série américaine à succès dans le couloir de la mort de l'Illinois

Diffusée depuis le 30 août dernier en France, chaque jeudi dès 20h50 sur M6, la série dramatique « Prison Break » plonge les téléspectateurs dans l'univers morbide des quartiers de la mort américains.

 
 

Les producteurs ont choisi l'Illinois pour décor artistique et juridique de leur fiction, un état-symbole depuis le 10 janvier 2003, date à laquelle son gouverneur, George Ryan, a accordé sa clémence à tous les condamnés en attente d'exécution dans le couloir de la mort de l'Illinois ; 171 personnes au total. En toile de fond, de trop nombreuses erreurs judiciaires, trame par ailleurs de « Prison Break ». Coïncidence?

Ci-dessous, l'ancienne prison de Joliet en Illinois a servi de décor à la série "Prison Break".


Ancienne prison de Joliet en Illinois


Fox River State, état de l'Illinois. Une prison américaine typique telle qu'on l'imagine, surmontée de miradors, enceinte de barbelés et de gardiens douteux et corrompus. Derrière les grilles, dans le quartier des condamnés à mort, Lincoln Burrows (interprété par l'excellent Dominic Purcell) clame son innocence, condamné à la sanction suprême pour un assassinat éminemment politique puisqu'il concerne le frère de la vice-présidente des Etats-Unis. Son frère cadet, Michael, se jette à tête perdue dans la défense de Lincoln et assiste ses avocats mais rapidement, il constate la portée de l'affaire et la puissance de ceux qui veulent que Lincoln meure, à tout prix. Une seule solution s'impose à lui ; il pénètre alors dans une banque et simule un braquage. Condamné à cinq ans de prison ferme, il rejoint la prison de Fox River State avec un plan redoutable pour extirper son frère du couloir de la mort. Un tatouage recouvre tout son corps, il reprend les plans précis de l'établissement pénitentiaire. Il s'agit dès lors d'imaginer l'évasion du siècle (« Prison break » en anglais).


Une série abolitionniste sur la Fox ?

Dans l'enceinte de cette prison, le jeune et beau Michael se prend d'amitié pour la fille du gouverneur, médecin responsable de l'établissement. A quelques heures de l'exécution de son frère, il tente de la convaincre de parler à son père, dernier recours possible pour épargner la vie de Lincoln. Les positions du médecin sont infiniment claires, elle est contre la peine de mort, de tout son coeur. Michael la coupe sèchement et rétorque qu'il ne s'agit pas d'être pour ou contre la peine de mort. Il s'agit ici de l'exécution d'un innocent.

C'est autour de cette subtilité qu'a été conçue la série « Prison Break ». Elle n'ambitionne pas de relancer le débat entre partisans et opposants de la peine de mort, mais pose la question légitime des erreurs judiciaires. Sans doute fallait-il convaincre un diffuseur proche des milieux conservateurs républicains, la chaîne Fox, meilleur porte-parole du gouvernement Bush sur le dossier de la guerre en Irak? La convaincre sans brutaliser son public majoritairement peu enclin à une abolition de la peine de mort aux Etats-Unis.

La Fox n'en est pas à sa première surprise du genre. On se souvient de la série « 24 » qui mettait en scène le premier président afro-américain de l'histoire des Etats-Unis. Un chef d'Etat infiniment humain, réfléchi et compétent qui sonnait comme un acte militant sur cette chaîne populaire, de droite.


L'Illinois, entre fiction et réalité

Avec « Prison Break », le téléspectateur surfe entre fiction et réalité. Pour rappel, les Etats-Unis sont une fédération de 51 états indépendants qui disposent d'une grande autonomie, notamment au niveau judiciaire. Ainsi, chacun d'entre eux a la liberté d'appliquer ou pas la peine de mort. A ce jour, la majorité des états américains (38 au total) l'incluent dans leur constitution propre.

En Illinois, décor juridique de la série « Prison Break », la peine de mort reste effectivement inscrite dans la constitution mais en pratique, elle n'a plus été appliquée depuis 2000.

Il y a 6 ans, une polémique sans précédent s'empare de toute l'Amérique et déferle jusqu'en Europe lorsque des étudiants en journalisme parviennent à prouver l'innocence de condamnés alors en attente d'exécution en Illinois. Au total, 13 personnes sont formellement disculpées et, plus grave, 12 personnes innocentées à titre posthume car déjà exécutées...

Le gouverneur de l'état prend immédiatement des mesures, jugeant « honteux » le nombre hallucinant d'erreurs judicaires formellement établies. Aussitôt, un moratoire sur les exécutions est prononcé; il interdit tout recours à la peine capitale jusqu'à nouvel avis.

Le moratoire dure 3 ans jusqu'au 10 janvier 2003. Trois jours avant son retrait et l'entrée en fonction de son successeur, le gouverneur George Ryan fait une annonce tonitruante en apportant sa clémence à la totalité des condamnés à mort en attente d'exécution dans son état. Au total, 171 personnes voient leur peine commuée en prison à vie (dans trois cas, peine de quarante ans de prison).

Le gouverneur Ryan n'a pas réussi à faire mieux. Seul son parlement peut définitivement rayer cette sanction de l'arsenal judiciaire de l'état mais la majorité des députés n'y est pas acquise. « Pour le dire clairement, une fois de plus, le système d’application de la peine capitale en Illinois est hors d’usage. Par sa faute, il s’est en fallu d’un cheveu pour que des hommes innocents ne soient exécutés injustement. Par le passé, le Parlement a refusé de remettre ce système en état de marche. Notre nouveau Parlement et notre nouveau gouverneur doivent agir pour épargner à notre État la honte que représente le fait de menacer un innocent d’exécution et un coupable d’une injustice. Au cours des jours à venir, je prierai pour que nous puissions ouvrir nos cœurs et que nous ayons autre chose à offrir aux proches des victimes qu’un espoir de vengeance.» plaidait le jour-même le gouverneur Ryan à la Northwestern University de Chicago (propos traduits et retranscrits par Amnesty International). Le débat, même si il est clairement amorcé, n'est pas clos et l'Illinois n'a pas tranché.

Tournée en 2005 aux Etats-Unis, la série « Prison Break » va (et veut) forcément influencer le débat. Tant le choix de son décor, en Illinois, que le choix de sa thématique, les erreurs judicaires, en attestent.


L'anachronisme de la chaise électrique

On ne peut toutefois s'empêcher de se poser une dernière question. Pourquoi donc fait-on croire que les condamnés à mort sont exécuté sur une chaise électrique en Illinois? Ici comme partout ailleurs, les exécutions sont exécutées par l'injection intraveineuse de substance létales, une méthode jugée plus « propre » et « moins inhumaine » que l'électrocution. Un seul état ne dispose que de la chaise électrique, le Nebraska, qui a instauré un moratoire sur toutes les exécutions en 1999, aujourd'hui encore en vigueur.

Les concepteurs de « Prison Break » ont ici priviliégié le visuel sensationnel à la réalité, peut-être pour présenter une vision encore plus sordide de la sanction capitale.

Ce n'était sans doute pas nécessaire, la réalité l'est déjà...



 
 

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